Dimanche 2 décembre 2012.
Nous nous sommes levés, avec notre petit groupe balinais, à 5h du matin. Dans la fraîcheur de la nuit, direction Angkor Wat en « touk touk », pour rallier le point de départ. La course se déroule au lever du jour, dans le somptueux décor naturel qui entoure le temple d’Angkor Wat. Par groupes de catégories, ce sont plus de 6000 coureurs qui vont relever le défi de franchir la ligne d’arrivée pour une cause humanitaire. Le nombre de participants est d’ailleurs en constante progression car en 2013, il fut de 7500. Je me suis engagé pour le semi marathon (21km) et Valérie pour une course de 10 kilomètres. Pour les familles, les personnes à mobilité réduite (certaines participent aussi aux autres épreuves) ou les promeneurs, il y a aussi un circuit de 3km.
La première édition du semi marathon d’Angkor remonte à 1996. C’était à l’ initiative de levées de fonds pour venir en aide aux victimes des mines antipersonnels et pour obtenir l’arrêt de leur production et de leur utilisation de par le monde. Les dons récoltés sont attribués à différentes associations, hôpitaux ou structures comme l’Hôpital des Enfants d’Angkor, l’association Cambodian Trust (qui fournit des prothèses), La Croix Rouge Cambodgienne, Handicap International, l’association CDAF pour la pratique du sport par les handicapés, des ONG locales au service des orphelins. Une partie du budget est également attribué à des programmes de réinsertion sociale ou encore à la lutte contre le sida.
Si cet évènement rencontre aujourd’hui un tel succès c’est également parce qu’il est soutenu par nombre d’institutions nationales et internationales, par les principaux ministères, par des sponsors et des personnalités.
Le semi marathon de Thierry
Le départ a lieu dans une ambiance bon enfant, du côté de l’allée principale du temple d’Angkor Wat. Je pars complètement en queue de peloton. Rapidement, je mesure les bénéfices de ma préparation de 2 mois d’entraînement, clôturés par une semaine de repos complet, juste avant la course : je suis en grande forme ! Je régule facilement mon allure sur les premiers kilomètres, ma respiration est constante, mes pieds ne souffrent d’aucunes douleurs, mes jambes me portent avec aisance. Je décide donc de modifier mon objectif de 2h15, pour rejoindre la ligne d’arrivée, en moins de 2 heures.
Tout au long du parcours, aux bords des routes et chemins, des centaines d’enfants nous sollicitent, bras tendus en avant, pour « toper » doucement dans leurs mains ouvertes. Encouragé par leurs rires et leurs sourires radieux je leur réponds à chaque occasion. Ils me donnent la force de dépasser chaque coureur devant moi. J’en ai ainsi doublé, au minimum, plus de 650 (avec le classement à l’arrivée, pas besoin de les compter un par un…). Le sprint final m’a permis de passer de justesse sous la barre de l’objectif pour terminer 413ème (sur 1054) en 1h59mn. Le vainqueur, quant à lui, a bouclé le circuit en 1h17mn, ce qui pour moi semble complètement surréaliste…
En ce qui me concerne je n’ai battu d’autre record que mon précédent temps de 2h pour seulement 18 kilomètres (aidé par ma montre cardio). J’ai savouré le plaisir de la compétition, du dépassement de soi, de la récompense d’un entraînement régulier, de la volonté d’atteindre l’objectif et des encouragements inattendus des enfants d’Angkor. Ce fût une victoire sur moi-même, la victoire d’être capable de réaliser une chose qui me semblait encore impossible à atteindre un an auparavant!
La course de Valérie
Cette épreuve se déroule sur un parcours idyllique, le plus beau que j’ai connu dans ce contexte. Nous sommes des milliers à traverser presque en silence, des forêts majestueuses dans un environnement très propice à l’enthousiasme et à la motivation. Dans notre groupe certains courraient le semi marathon et d’autres, comme moi, les 10 kms. Courir pour une association est une source supplémentaire d’adrénaline car cela donne un sens différent à l’épreuve, c’est un objectif de plus pour franchir la ligne d’arrivée. Sur la ligne de départ, au milieu d’une telle foule, je me sentais un peu étouffée. C’était presque frustrant de se sentir anonyme, noyée dans la masse à attendre le top départ. Quand la course fut lancée chacun a rapidement chercher à s’extirper, à prendre sa place, pour trouver son rythme de croisière. Cela m’a demandé du temps pour atteindre une bonne régularité. J’ai trouvé une personne qui courait à la même allure que moi et je l’ai suivie… Mon objectif était de courir sans interruption et j’y suis finalement arrivée. Je me souviens du plaisir éprouvé lorsque j’ai commencé à entrevoir la ligne d’arrivée, j’avais envie de courir encore plus vite….
Ensuite j’ai attendu les arrivées des semi marathoniens et j’ai beaucoup apprécié de pouvoir les soutenir et les motiver. Quelques personnes avaient déployé des efforts surhumains pour arriver jusqu’au finish et avaient souvent besoin d’encouragements sur les derniers mètres! J’étais extrêmement fière de voir arriver Thierry avec un score fort honorable.
La réussite d’un évènement tel que celui-ci, c’est que tout le monde peut participer du plus jeune au plus âgé, valide ou parfois handicapé. Extraordinaire de sensations et d’émotions….
Au delà de la compétition
Ce type de compétition sportive, animée souvent avec passion par des individus dévoués à leur cause, rassemble régulièrement des milliers de personnes venant soutenir une ou des associations humanitaires. Si c’est avec plaisir que j’y participe, ce serait un plus grand plaisir encore que de pouvoir m’engager un jour aux côtés de 6000 sportifs de tous niveaux pour apporter une aide aux associations de défense des droits des animaux. Les causes à défendre ne sont pas opposables les unes aux autres. Il est cohérent, instructif et logique de courir par exemple, pour apporter des fonds humanitaires contre la malnutrition de certaines populations, tout en se restaurant de plats Vegan à l’arrivée.
A Angkor Wat des milliers de litre d’eau potable ont été jetés aux fossés avec désinvolture uniquement parce-que les coureurs ne voulaient pas s’embarrasser d’une bouteille à demi pleine après une gorgée avalée. Les enfants faisant commerce du plastique de recyclage les ont certes ramassées mais aussi toutes vidées de leur contenu pour pouvoir les revendre. De ce côté-ci de la planète on a jeté l’eau à terre sans utilité alors qu’en d’autres lieux des populations meurent de soif… Que faut-il retenir de ce formidable engouement des hommes à se rassembler pour soutenir une cause tout-en en méprisant une autre? Cause pourtant si essentielle et primordiale que celle de la sauvegarde des ressources en eau potable de la planète…
Pour améliorer le monde dans lequel nous vivons et pour préserver les générations futures, certaines tâches paraissent insurmontables. Il ne faut pas, pour autant, que cela servent de prétexte à l’inaction pour les actes simples du quotidien. Choisir sa nourriture avec conscience, ne pas se servir plus qu’on ne peut manger, terminer son assiette sans jeter ses aliments, finir son verre d’eau, autant d’actes simples, trop simples sans doute pour qu’on en oublie l’efficacité et la portée.
En tout cas, cette expérience inédite de rencontre avec les cambodgiens « nous a mis en appétit« . L’envie inassouvie d’aller un peu plus loin dans notre rencontre avec ce pays nous portera sans doute un jour à y revenir pour prolonger l’aventure.