La forte connotation catastrophique du terme d’effondrement pose d’emblée la difficulté à vouloir s’interroger sur le sujet. D’autant plus que, lorsqu’on commence à s’informer sur l’effondrement, on est vite tenter d’y substituer le vocable d’apocalypse…
L’effondrement en vidéo (15 mn)
Définitions
Dans son utilisation la plus courante, un effondrement se comprend par la destruction, la ruine, l’abattement. C’est un état d’anéantissement physique ou psychologique et parfois les deux ! C’est une chute brutale, comme l’effondrement d’une civilisation ou d’un empire. L’effondrement c’est encore la perte violente et soudaine de valeurs morales ou de valeurs monétaires.
Ce terme d’effondrement semble donc le plus approprié et le plus consensuel. Il désigne l’ensemble des risques de déclin du monde contemporain, auxquels nous sommes confrontés. La collapsologie, c’est « l’étude de l’effondrement de la civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder ». Elle définit l’effondrement comme étant « un enchaînement de catastrophes qu’on ne peut plus arrêter et qui a des conséquences irréversibles sur la société ». (Pablo Servigne).
Autre définition régulièrement usitée. « C’est un processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis (à un coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi ». (Yves Cochet).
Du déni à l’indifférence
La plupart des gens réduisent hélas trop fréquemment, par déni, par ignorance ou pire, par indifférence, le sujet de l’effondrement à la seule interrogation de sa possible existence ou de son hypothétique réalisation. La reconnaissance et l’admissibilité de l’effondrement ne sont pas affaire d’érudition, d’appartenance sociale ou continentale mais de prise de conscience.
A Bali, j’ai rencontré des paysans, des notables et des ouvriers qui se sentent pleinement concernés. A contrario, en France, des cadres, hommes d’affaires ou avocats qui sont dans l’ignorance ou la naïveté… On peut considérer que le processus de l’effondrement s’est enclenché dès les années 70, alors que certains écologistes et scientifiques, comme le docteur Meadows, commençaient à tirer la sonnette d’alarme. A ce moment, les dirigeants n’ont pas pris la mesure du danger et de son irréversibilité. L’effondrement existe donc bel et bien déjà car nous le vivons au quotidien.
Notre civilisation, notre monde sont dès lors en train de s’effondrer irrémédiablement. On ne se rend pas forcément compte de cette conjoncture. Et finalement nous nous acclimatons progressivement à chaque nouveau palier franchi vers la décadence. La question de savoir si cela va arriver est donc pour le moins, complètement incongru ! Les vraies questions sont maintenant de savoir comment faire avec et comment y survivre…
La collapsologie
Pour répondre à ces interrogations il est utile d’étudier la collapsologie, à laquelle beaucoup d’ouvrages sont consacrés. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer entre autre :
« Effondrement, Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie ». Jared Diamond. 2004.
« Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes ». Pablo Servigne – Raphaël Stevens. 2015
« Petit manuel de résistance contemporaine : récits et stratégies pour transformer le monde ». Cyril Dion. 2015
Il suffit de taper les mots effondrement et collapsologie sur un moteur de recherche pour trouver une masse d’information documentaire, littéraire ou filmographique sur ce thème. C’est pourquoi j’ai souhaité rédiger cet article et donner une façon parmi d’autre d’aborder le sujet avec sérénité. Je pense que la collapsologie, seule, ne suffit pas à concevoir, à vivre, à traverser l’effondrement.
Nous devons également faire œuvre de résilience, d’intuition, de méditation et de spiritualité.
Effondrement planétaire et Pleine conscience
J’ai expérimenté pour cela une méthode simple de lecture conjointe et parallèle de deux ouvrages. D’une part, « Les cinq stades de l’effondrement » de Dmitry Orlov, publié en 2016. Et d’autre part « Je médite jour après jour. Petit manuel pour vivre en pleine conscience » écrit par Christophe André et publié en 2011. Chaque soir je commençais ma lecture par le livre de Dmitry pour ensuite lire quelques pages sur la méditation avant de m’endormir. Bien entendu chacun peut choisir des titres qui lui conviennent au sujet de l’effondrement et de la méditation mais il est important de les lire ensemble.
Les cinq stades de l’effondrement
Dmitry Orlov a vécu un premier effondrement avec celui de l’Union Soviétique et a immigré aux Etats-Unis. Il est ingénieur, a travaillé dans la recherche en Physique des Hautes Energies, le commerce en ligne et la sécurité informatique. Après avoir expérimenté 8 années durant un mode de vie autonome, il vit aujourd’hui sur un voilier amarré sur la côte Est et se rend au travail à bicyclette…
L’auteur use d’un raisonnement inéluctable pour nous présenter les effondrements financiers, commerciaux, politiques, sociaux et culturels qui forment un tout auquel nous n’échapperons pas.
« Les institutions financières deviennent insolvables ; l’épargne est annihilée et l’accès au capital est perdu…/… L’argent est dévalué et, ou, se fait rare, les marchandises sont amassées, les chaînes d’importation et de commerce de détail se rompent et les pénuries généralisées de denrées vitales deviennent la norme…/… La croyance que « le gouvernement prendra soin de vous » est anéantie. Tandis que les tentatives officielles d’atténuer la perte généralisée d’accès aux sources commerciales de denrées vitales échouent à faire une différence, la classe politique perd sa légitimité et sa pertinence…/…
La croyance que « les vôtres prendront soin de vous » est anéantie, tandis que les institutions sociales locales, que ce soit les organisations caritatives ou d’autres groupes qui se précipitent pour combler le vide du pouvoir, tombent à court de ressources ou échouent par des conflits internes…/… La foi dans la bonté de l’humanité est anéantie. Les gens perdent leur capacité « de gentillesse, de générosité, de considération, d’affection, d’honnêteté, d’hospitalité, de compassion, de charité ». Les familles s’éparpillent et, en tant qu’individus, se disputent les rares ressources. La nouvelle devise devient : « Puisses-tu mourir aujourd’hui pour que je puisse mourir demain ». »
Dans nos rapports aux animaux Dmitry Orlov rappelle ce que beaucoup disent. « Notre pratique actuellement répandue n’est pas l’intégration ou la coopération avec les autres espèces, mais la domination, l’exploitation et le parasitisme ; et cela s’avère si destructeur pour l’environnement que non-seulement nous sommes en train de mener les autres espèces vers l’extinction à une vitesse record, mais en outre notre propre survie est mise en doute ».
Je médite jour après jour
Christophe André est médecin psychiatre à l’hôpital Sainte Anne de Paris. Il a été l’un des premiers médecins à introduire la méditation dans le traitement de ses patients. Conférencier, il est l’auteur de nombreux best-sellers dont certains co-rédigés avec Matthieu Ricard. « Je médite jour après jour » commence par une citation de Faust Goethe sur le revers de couverture. « Alors l’esprit ne regarde ni en avant ni en arrière. Le présent seul est notre bonheur ».
La redécouverte de ce manuel, de ce guide vers la méditation dont je prenais connaissance pour la seconde fois, avec un autre regard, m’apportais l’apaisement nécessaire à la continuité de ma lecture des « Cinq stades de l’effondrement ». C’était un peu comme si chaque page, chaque citation me permettait de prendre une grande bouffée d’oxygène afin de pouvoir replonger au fond des abysses les plus vertigineuses de notre « humanité ».
Voici quelques passages
« La pleine conscience, ce n’est pas de la relaxation (où l’on a besoin du silence et du calme) mais de la méditation (où il s’agit de cultiver un rapport apaisé au monde) ».
« La pleine conscience va à l’encontre de notre tendance naturelle à retenir l’agréable et à repousser le désagréable. C’est pour cela que les séances et les exercices ne sont pas toujours des moments confortables (encore une différence avec la relaxation). Dans la pleine conscience, on accueille les ressentis émotionnels négatifs ou douloureux, on leur permet simplement d’être là. Ainsi, plutôt que de vouloir chasser sa tristesse ou résoudre son inquiétude, on commence d’abord par accepter leur présence. Ce qui ne signifie pas accepter leurs messages et leurs injonctions : permettre à sa tristesse ou à l’inquiétude d’être là, c’est constater que nous sommes tristes mais pas forcément croire tout ce que nous chuchote la tristesse (« Cette vie ne vaut guère la peine, à quoi bon agir ? ») ou l’inquiétude (« Il y a un danger, tu dois vite agir et trouver des solutions »).
« On ne peut quitter un endroit où l’on n’a jamais accepté d’arriver : et on ne peut se libérer d’une souffrance qu’on n’a jamais accepté de reconnaître… C’est seulement comme ça que, dans les moments de détresse émotionnelle, nous pourrons écouter et croire nos propres paroles de réconfort : se dire que ce n’est pas grave, que ça va passer, etc. Cela ne marche que si nous avons d’abord pleinement accepté le problème, pas si nous sommes encore en train de refuser son existence (« Ce n’est pas possible, ce n’est pas juste ».) Les graines de la sérénité ne poussent que sur une terre de lucidité, pas sur le déni ou le mensonge à soi-même ».
« Vivre conscient n’est pas sans risques, et le recueillement pousse vite au désir de dépouillement, non pour s’appauvrir mais pour s’alléger. La deuxième nécessité de la pleine conscience est celle du dépouillement. Nous ne sommes pas obligés de nous dépouiller de notre passé ou de nos vêtements, comme Madeleine, mais de certaines de nos attitudes psychologiques : un pas important dans cette direction va consister à s’alléger de ses automatismes de pensée, et notamment de ses attentes et de ses jugements ».