Le calendrier balinais
A Bali, la célébration du nouvel an est tellement particulière, unique au monde et spécifique que nous avons décidé d’y consacrer cet article.
Les balinais en tant que peuple de l’archipel indonésien reconnaissent le calendrier islamique, le calendrier pawukon de Java (210 jours) et le calendrier grégorien mais traditionnellement, les habitants fêtent chaque nouvelle année selon le « Saka« . Le Saka est le calendrier national indien qui remonte à environ 78 ans après Jésus Christ (l’année 2015 grégorienne équivaut donc à l’année 1937 dans le Saka).
Sur « l’île des dieux », le premier jour de l’année Saka est le « Nyepi ». Des semaines au préalable, les balinais préparent ce jour important par de nombreuses cérémonies de purification appelées Melasti, notamment sur les plages et dans les temples.
Nyepi le jour le plus long
Les touristes résument souvent Nyepi comme étant « le jour du silence » car toute activité de toute sorte est interdite ce jour-là, jusque dans l’aéroport qui se trouve fermé comme absolument toutes les entreprises et les commerces de l’île. Pendant une journée, Bali devient une île morte, une île fantôme et retrouve son calme, le calme de Nyepi. En réalité cette interdiction de travailler et de sortir de chez soi, dès 6 heures du matin et durant 24 heures, symbolise une offrande à la terre. C’est le jour de repos que les balinais offrent à la planète pour qu’elle se repose. Il convient alors de respecter le silence, de jeûner, de méditer. Cette pratique est également liée à la présence de l’animisme dans l’histoire de la construction de la religion hindou des autochtones.
Les célèbres Ogo Ogo (Ogoh Ogoh)
La veille de Nyepi, d’immenses statues préparées des semaines auparavant (et souvent réfléchies tout au long de l’année) sont exhibées en procession dans toute l’île. Ces sortes de grandes poupées démoniaques et très réalistes, construites à base de papier mâché, de bambou, de cartons, de bois ou de polystyrène sont nommées des « Ogo Ogo » (dérivé du mot bercer). Chaque Banjar (sorte de conseil représentatif communal) finance les Ogo Ogo de son quartier avec des fonds préalablement récoltés. Les Ogo Ogo (l’orthographe exacte est Ogoh Ogoh) sont montés sur des supports en bambou et portés sur les épaules des hommes et des enfants du village. Ces différents quartiers rivalisent d’ingéniosité et de créativité pour donner des formes monstrueuses aux statuts. Les défilés débutent habituellement à partir de 18 heures pour 3 ou 4 heures de représentation dans un joyeux tapage nocturne fait de concert de musique, de chants traditionnels, de pétards et aussi de bruits de feux d’artifices. L’exercice est très physique car à chaque carrefour du défilé les hommes font faire de nombreux va et vient et de tours sur eux-mêmes aux Ogo Ogo. La nuit tombée, les torches accompagnent les processions qui sont parfois suivies de jeunes femmes parées de somptueuses tuniques et de coiffes traditionnelles..
Les forces du bien et du mal
Comme dans le principe du Ying et du Yang, la philosophie hindou préconise d’accepter les forces en opposition au lieu de les combattre. Le bien et le mal sont alors symboliquement représentés par des damiers noir et blanc.
Les Ogo Ogo représentent les forces du mal que l’on nomme le « Bhuta Kala » (le pouvoir destructeur de la nature). Plutôt que de chercher à combattre ces monstres, on dépose des offrandes aux carrefours routiers, lors des processions, pour les attirer et ainsi les repaître et les calmer. Une fois les cérémonies terminées, les statuts sont généralement brûlées. Nyepi pourra de cette façon être célébrée tranquillement pour continuer de purifier la terre des activités humaines et de leurs mauvais comportements tant physiques que spirituels. Pour que les Ogo Ogo ne soit pas tentés de resurgir le jour de l’an, il faut donc rester dans le silence et le calme, éteindre les lumières, couper les postes de télévision et les radios, ne rien faire qui pourrait les attirer.
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Tourisme et tradition
Depuis le développement touristique de l’île il est toléré que les vacanciers puissent avoir des activités de loisirs seulement à l’intérieur des résidences hôtelières mais sans faire de tapage. Cette dérogation est même devenue un outil marketing utilisé par de plus en plus d’établissements qui promotionnent des « packages Nyepi » pour inciter les clients à venir chez eux pour le 1er de l’an.
Le non-respect des consignes de silence et de « non-activité » durant Nyepi, se soldent par des sanctions, amendes ou prison. La police veille au grain et elle est donc la seule à pouvoir circuler dans les rues, discrètement et en petit nombre. Bien entendu les véhicules de secours et les ambulances peuvent également circuler mais seulement en cas d’urgence avérée.
Pour conclure, nous dirons qu’il est difficile de retranscrire l’ambiance et les sentiments que peuvent laisser Nyepi, le mieux est de le vivre et même de le vivre plusieurs fois pour en percevoir les sens. Mais chut, ne le disons pas trop fort, il ne faudrait pas que quelques Ogo Ogo mal intentionnés nous écoutent et viennent nous dévorer…