Cet article est la continuité de notre publication : Singapour, cité, nation : fiche d’identité du dragon asiatique.
Côté Yang :
– richesse financière
Le pays est incontestablement riche et l’Etat, au contraire de nos nations occidentales surendettées, n’a pratiquement pas de dette extérieure. Il se situe au 3ème rang mondial concernant l’indice PPA (Parité de Pouvoir d’Achat) et à la 8ème place de l’indice PIB (la valeur du Produit Intérieur Brut par habitant). Il occupe la 4ème place financière mondiale et la seconde place asiatique financière après le Japon. Son port marchand est le plus important de la planète, après celui de Shanghai. Il est le 3ème raffineur de pétrole au monde. Il a développé une économie de marché en attirant toutes les grandes compagnies et multinationales, les investissements, les opérateurs de marchés, les groupes bancaires. La réputation de son aéroport, en développement constant et de sa compagnie aérienne ne sont plus à faire. Les taux d’imposition faibles figurent au palmarès des mesures incitatives. Lire : Pourquoi s’implanter à Singapour.
– vie sociale
Taux de criminalité parmi les plus bas de la planète et taux de chômage, officiel, de seulement 2%. Avec la seconde plus forte densité de population au monde, les différentes ethnies semblent cohabiter en harmonie à Singapour. Les Chinois représentent pratiquement 80% des habitants devant les Malais puis les Indiens et quelques Occidentaux et Métis. Si les grandes religions sont par conséquent présentes (bouddhistes, chrétiens, musulmans, taoïstes et hindouistes pratiquent leurs croyances), il y a également 17% de la population qui se déclare strictement laïque. L’éducation est considérée comme une priorité et le système de santé publique de Singapour est souvent citée comme modèle. Les jeunes Singapouriens que nous avons croisés et rencontrés paraissaient aussi libres et émancipées que des ados européens. Les jeunes femmes osent des tenues très féminines, pour ne pas dire sexy.
– écologie
Depuis les premiers programmes d’urbanisation, datant d’il y a cinquante ans, les constructions sont réalisées en tenant compte de l’environnement. Un grand programme national de traitement et de recyclage des eaux usées, qui contribue à la protection de l’environnement, de dessalement de l’eau de mer et de récupération des eaux de pluie est mis en oeuvre depuis des années. La propreté en générale et celle des espaces publics en particulier, est exemplaire. Il faut dire que, même si nous avons trouvé de temps en temps des détritus sur quelques trottoirs, le moindre mégot jeté à terre vaut, officiellement, à son propriétaire une amende de 1000 dollars Singapourien… Le « Tree planting day » est une fête nationale qui commémore la première plantation d’arbres à grande échelle, du 16 juin 1963.
– infrastructures
Les services publics fonctionnent bien et les fonctionnaires sont formés à l’étranger dans de grandes entreprises privées. La circulation automobile est maîtrisée par toute une série de mesures dissuasives à l’encontre des habitants désirant s’offrir un véhicule. 100.000€ sont ainsi facilement nécessaires pour l’acquisition d’une belle voiture, entre son achat, le paiement des taxes et l’obtention d’un licence pour 10 ans. Par conséquent les transports en commun, métro et bus sont modernes, efficaces et très développés. Le nombre de taxis par habitant est l’un des plus élevé au monde.
– réussite
Pays moderne, à l’histoire trop récente pour avoir des monuments relatant son passé, Singapour n’a pas non plus de véritables ressources naturelles, de production agricole ni de source d’eau. Parti de rien, l’Etat cité a donc su attirer et créer les richesses nécessaires à l’indépendance financière qui lui permet de palier à ces difficultés. Plus de 200 gratte ciel abritent des firmes dédiées au commerce et aux investissements. 7 millions de touristes débarquent chaque année dans la petite péninsule et dépensent leur argent dans d’immenses centres commerciaux. Le « mall » de Marina Bay Sands occupe une superficie de 120.000m2… Les touristes sont issus du monde des affaires mais viennent aussi en famille dans les nombreux parcs d’attractions créés à leur attention. Un grand prix de Formule 1 attire les passionnés de sport automobile et, les casinos, les joueurs invétérés. Les expatriés résidents de l’Indonésie voisine, ou d’autres contrées, viennent régulièrement à Singapour le temps d’un week-end ou de courtes vacances pour le renouvellement de leur visa. Enfin il existe un tourisme médical, notamment conquis par des cliniques réputées dans la chirurgie esthétique et pour la qualité de leurs services. Dans cette région d’Asie, tous les expatriés viennent se faire soigner à Singapour dès lors qu’il s’agit de pathologies lourdes ou d’actes chirurgicaux délicats ou importants.
Côté Yin :
– liberté d’expression
Les médias, sous quelque forme et notamment la presse nationale ou étrangère sont poursuivis dès lors qu’ils critiquent un temps soit peu le gouvernement. Ils sont facilement attaqués en justice pour diffamation et se retrouvent condamnés à devoir payer à l’Etat des amendes colossales. La censure n’a, dans ce cas, pas besoin de s’exercer car c’est l’auto-censure des journalistes, qui s’applique d’elle-même par peur des représailles… Au cinéma, comme à la télévision, de nombreuses scènes de films sont autocensurées ou censurées à la diffusion. Bien entendu, Internet n’échappe pas à la censure mais c’est un peu plus difficile…
– opposition politique
Comme pour les journalistes, les opposants politiques sont régulièrement inquiétés en justice s’ils critiquent trop le pouvoir (ce qui est tout de même le rôle de l’opposition…). Là aussi le montant des amendes est considérable. Inversement si l’on critique le gouvernement en public, on doit se déclarer comme faisant parti de l’opposition. Cette procédure obligatoire permet à la police de ficher les individus pour mieux les surveiller et les espionner. A Singapour les pouvoirs de l’appareil politique ne sont pas séparés. Un article intéressant à ce sujet sur RFI (photo ci-contre)
– peine de mort
Singapour applique la peine de mort par pendaison pour une douzaine de crimes et délits. Même si les choses semblent évoluer, le pays détient le triste record du taux d’exécutions le plus élevé au monde en fonction du nombre d’habitant .
La justice dispose également du châtiment corporel dans son arsenal répressif comme les coups de canne ou les bastonnades!
A lire : Journée mondiale contre la peine de mort (illustration ci contre)
– vie sociale
Si les communautés semblent cohabiter en harmonie, elles se côtoient mais vivent regroupées sur elles-mêmes.
Dans un pays où le taux de natalité est l’un des plus faibles, la main d’oeuvre étrangère (1/3 des habitants) est de plus en plus nécessaire. Les « petites-mains » venues de Malaisie, des Philippines ou d’Inde se retrouvent souvent exploitées… Les familles aux revenus les plus faibles doivent faire face à un marché immobilier en hausse, malgré des programmes de logements sociaux et à une certaine précarisation.
– écologie
On peut sans doute reprocher à Singapour de pratiquer une écologie touristique en créant une multitude de parcs majestueux mais artificiels, au détriment des espaces naturels maintenus en leur état. Cependant nombre de dirigeants auraient sacrifié ces espaces au béton, pour ériger encore plus de tours et de centres commerciaux, les rendant ainsi plus lucratifs.
Est-il possible que le système de monsieur Lee se soit érodé au fil du temps et qu’il disparaisse avec lui? Serait-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour Singapour? Nos systèmes démocratiques sont-ils de meilleurs exemples? Son fils, actuel premier ministre, a déclaré : « Il s’est battu pour notre indépendance, a construit une nation qui n’existait pas et nous a rendu fiers d’être Singapouriens« . Les défenseurs des droits de l’homme verront-ils dans ces déclarations une raison de plus de dénoncer la prédominance d’un parti familial unique, qui n’hésita pas à emprisonner ses opposants et qui encadre toujours étroitement la liberté d’expression, de grève ou de rassemblement? Toujours est-il que le peuple, dont la majorité semble se satisfaire d’un régime qui, finalement l’enrichit, s’est déplacé massivement pour lui rendre hommage. Ils furent plus de 500.000, en quatre jours, à venir se recueillir sur la dépouille de LKY.
Une réponse sur « Singapour : le Yin et le Yang d’un archipel sulfureux »
J’ai adoré cette ville, mais c’est un bon résumé ce Ying et Yang ! J’avais trouvé qu’il n’y avait pas de juste milieu entre riches et pauvres mais il n’y a pas que ça… Après je n’y suis resté que 2 jours, à découvrir plus en détails !